collection Singulières
EDITIONS
D’après des réflexions de DL et CT
Il est aisé de penser, et facile de croire, que la littérature, à l’instar des anges, n’a pas de sexe, et que se glissant dans la fiction, l’auteur⸱e peut devenir absolument ce qu’iel veut et décrire les affects de cet état de façon vraisemblable s’iel dispose d’assez de talent pour le faire. Chacun⸱e circonscrit⸱e dans son genre, son époque et sa condition va construire situations et personnages produisant un effet d’universalité, dont on sait désormais qu’il n’est qu’une illusion valable dans un temps déterminé, une époque donnée, un point de vue défini. C’est particulièrement flagrant lorsqu’on examine, mis en place par des écrivains, le réseau de figures féminines contraintes par la société de leur temps. Dans ce maillage, dans ce grillage, sont visibles aussi les manques – ce que l’écrivain n’a pas vu, pas compris, pas seulement pu concevoir.
C’est que, dans ce qu’elle tire et touche des tripes, la littérature a à voir parfois, régulièrement même, avec l’organique et, s’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir vécu des expériences pour les sublimer en œuvres fictionnelles, il demeure néanmoins un lien subtil, un fil tendu entre ce que le corps ressent et ce que l’esprit trace sur la feuille.
De même que la sculpture ou la peinture peuvent rendre compte d’une essence dite féminine, la littérature à son tour peut se charger de cette nuance forcément et férocement liée au corps. La femme n’existe pas, mais le corps des femmes offre de tels affects qu’il serait bien dommage que la littérature s’en prive. Un auteur peut évidemment raconter l’histoire vécue par une femme, et une auteure peut évidemment se glisser dans la peau d’un homme par l’entremise de la fiction. On rencontre de grands personnages à toutes les générations. Ils nous fascinent encore et nous parlent. Mais, tout de même, les profondeurs organiques, presque existentielles que recèle la sexuation des êtres ne sont pas sans influence sur le geste artistique. Elles ne font pas tout, mais elles peuvent être un biais, un regard, une touche qui, sans plomber l’œuvre d’un déterminisme qui serait lié au sexe de l’artiste, délivrent une singularité propice à l’altérité… C’est l’esprit de la collection Singulières.
Venise so far
Sandrine Cuzzucoli,
Labyrinthes, 2024
Sûrement il avance les algues de la lagune serpentent sans cesse ondulent sous ses pieds sûrement chatoient des verts miel émeraude se fondent en éclats de mousses douces cuisantes s’agrippant aux pieux de bois immergés tels des serpents marins ces lambeaux de forêts renversées crucifix réactivés liquides des premiers retables… lire la suite »
Les corps révélateurs
Clémence Dumper,
Labyrinthes, 2024
Depuis de nombreux siècles, sa bravoure est complète, sa malice un exemple. Depuis de nombreux siècles, son chant a façonné, l’air de rien, une galerie de portraits féminins stéréotypés, clichés à la peau dure. À la manière d’une religion, et la pire car le dieu vénéré ne serait qu’un homme,… lire la suite »
La plus malheureuse des femmes
Dominique Lebel,
Labyrinthes, 2024
Elle a pris un train pour Trouville, le train de midi. Elle voulait écrire un livre sur lui, sur le génie. Elle avait réservé une chambre d’hôtel, la saison n’avait pas commencé. Elle s’est installée dans la chambre, la fenêtre donnait sur la plage, avec ses marées, ses îlots de… lire la suite »